Dans la famille Bélier, seule Paula n’est ni sourde ni muette. L’adolescente de 16 ans est loin d’avoir une vie rythmée par une logique d’écolière. Fille de fermiers, elle gère l’ensemble des communications et des négociations indispensables au bon fonctionnement de l’entreprise familiale. Néanmoins Paula a d’autres aspirations et tombe sous le charme d’un petit parigot ce qui la conduit à choisir le cours de chorale où elle se découvre un véritable don pour le chant…
D’entrée de jeu Eric Lartigau offre au personnage de Paula une pleine centralité. C’est à travers elle qu’il assoit la réalité de sa famille dont le handicap conditionne les noeuds dramatiques du film. S’il est demandé à l’adolescente d’être adulte avant l’âge, celle-ci est rattrapée par la fièvre inhérente à ses 16 ans. Elle est fatalement attirée par le nouvel élève et excitée par les vertiges de l’inconnu. Toutefois si ces éléments sont esquissés, ils ne sont jamais pleinement développés dans un scénario qui additionne les pistes narratives et les comiques de situation sans chercher à faire aboutir les lignes mises en places…
« Qu’est-ce qu’elle a la dame ? »
L’importance de Paula au sein de la cellule familiale est surlignée au travers de séquences tellement caricaturales qu’elles ancrent leur propre caractère niais. Ainsi les personnages secondaires semblent découvrir la réalité de la famille de Paula en même temps que le spectateur alors que les Béliers sont censés être intégrés à la vie de la communauté et donc être connus des habitants du village. Mais non, chez Lartigau, visiblement, un marché local est une expérience des plus pittoresque pour… les locaux.
Bientôt le père de Paula décide de s’engager en politique. Un combat qui singe le clientélisme sans pour autant conduire au moindre aboutissement narratif ! À moins que le but ne soit de nous fourguer un LA FAMILLE BELIER 2 où l’on découvrirait le résultat d’une campagne électorale qui permet platement d’offrir une parenthèse proche du kitsch et de permettre à Paula d’envoyer paitre ses parents. L’humour est-il balourd à l’instar d’une séquence improbable chez le gynécologue que la sexualité est l’élément le plus pertinent du film. Débridée chez les parents de Paula, elle travaille ardemment le frère et la meilleure amie de l’adolescente. Toutefois, à nouveau, il s’agit d’une piste esquissée et exploitée uniquement pour conduire aux rires et non à une réelle mise en perspective.
A force de récits secondaires, le film peine à trouver sa voie et dès lors son rythme. L’éveil de la jeune fille à elle-même à travers le chant s’impose toutefois comme le principal enjeu. Et c’est sans la moindre finesse que celui-ci est développé à coup de séquences démonstratives dont l’écriture suinte de toutes parts. Une écriture orchestrée par les paroles de (quelques) chansons de Michel Sardou répétées à l’envi au point d’en devenir irritantes.
Mais faut-il seulement chercher à trouver la moindre cohérence au fil d’une narration au sein de laquelle une jeune fille se rend à l’école en bus et en revient à vélo, où une adolescente gênée de ses parents leur parle à voix haute devant ses condisciples alors que seuls ses signes sont nécessaires sans la mettre dans la situation indélicate à laquelle la conduit justement la parole… Bref, au paradis de la cohérence, LA FAMILLE BELIER ne trônerait pas. Le princal souci vient de là : Paula paraphrase tout, traduit à haute voix ce qu’elle comprend depuis toujours. Elle est donc soit débile, soit irréaliste…
Si les prestations de François Damiens et de Karine Viard sauvent l’ensemble d’un gouffre abyssal, la sincérité de Louane Emera ne suffit malheureusement pas à faire d’elle une actrice dont le brin de voix édulcore néanmoins les affres causés par l’emploi répétitif des titres de celui qui est présenté comme étant à la variété française ce que Mozart est à la musique classique. Aussi à une écriture globalement balourde mais cependant ponctuée de quelques pépites répond une mise en scène cruellement artificielle et appuyée.
Soulignons néanmoins la prouesse du réalisateur qui parvient à prendre en otage le spectateur à qui il dicte tout ressenti à coups de démonstrations et grâce à un enrobage musical alors que jamais il ne transcende celui de ses protagonistes.
LA FAMILLE BELIER
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Réalisation : Eric Lartigau
France – 2014 – 105 min
Distribution : Belga Films
Comédie