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La Marche

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Après un premier long-métrage singulier, Nabil Ben Yadir s’attaque sous un angle historique au sujet délicat du racisme. Si la démarche est louable, le film déçoit par manque de personnalité et excès de superficialité. Toutefois LA MARCHE présente l’intérêt d’allier divertissement et réflexion en confrontant le spectateur à une réalité encore bien actuelle.

lubna-azabal-la-marche

En 1983, en réponse à des actes racistes radicaux, des adolescents et le curé du quartier des Minguettes en banlieue lyonnaise lancent une marche contre le racisme. Entre le 15 octobre et le 3 décembre, ils parcourent plus de 1.000 kilomètres à travers la France. Ils étaient une poignée au départ et seront plus de 100.000 à l’arrivée à Paris. Surveillée puis protégée par la police, la manifestation, de plus en plus médiatisée au fil du parcours, sera surnommée « La Marche des Beurs ». Parmi les revendications des marcheurs « pour l’égalité et contre le racisme », une carte de séjour de 10 ans et le droit de vote pour les étrangers.

Douce France
Cher pays de mon enfance
Bercée de tendre insouciance
Je t’ai gardée dans mon cœur!*

L’approche scénaristique de Nabil Ben Yadir tend à esquisser la réalité d’alors et à survoler dans sa globalité celle de la manifestation. Ne préférant pas un protagoniste aux autres, il démultiplie les points de vues sans pour autant construire un récit choral – l’élément fédérateur (la marche) étant le sujet développé d’un bout à l’autre du film. S’il se concentre sur les marcheurs, il met en scène également le rôle pluriel de la sureté d’Etat et dessine très extérieurement le point de vue des familles des initiateurs de la marche. Ce faisant, chaque personnage est appréhendé avec superficialité et apparaît dès lors caricatural voire stéréotypé – la démultiplication ne permettant pas de développer les diverses personnalités.

Pourtant, dès l’ouverture du film, on sent la volonté du réalisateur de transcender l’énergie qui lie la bande d’amis. Il parvient habilement, en une séquence, à mettre en place leur complicité et à témoigner du climat qui régnait à l’époque lorsque la rue où se retrouvent quelques potes devient l’improbable théâtre au coeur Mohamed (Tewfik Jallab) se fait tiré dessus à bout portant par un policier. Bientôt la réalité dans laquelle s’inscrit l’évènement est matérialisée par le recours à une série d’images d’Archives (télévisuelles et de presse) qui glacent d’autant plus le sang que le réalisateur orchestre cela avec ironie – cette « douce France ». Sorti de l’hôpital, Mohamed, que l’on surnomme Gandhi, refuse de se venger (ce qu’on lui suggère) et propose de lancer une marche symbolique. Et si le fond de sa réflexion se résume en quelques répliques, la mise en place de la manifestation tient en quelques lignes et bien peu de séquences. Bref, « La Marche » est initiée.

la marche - les marcheurs

Du parcours, on ne sait rien si ce n’est l’arrivée prévue à Paris le 3 décembre. L’organisation semble évacuée d’un revers de la main et n’avoir d’intérêt que ponctuellement sans jamais être développée – pourtant nombreuses sont les questions suscitées. Au point de départ, quelques personnes ont répondu à « l’appel » : Kheira (Lubna Azabal), une militante engagée, sa nièce Monia (Hafzia Herzi), Yazid (Nader Boussandel) et une photographe québécoise, Claire (Charlotte Le Bon). A ce stade, seuls quelques journalistes qui semblent s’être perdus couvrent l’événement alors local. Au fil de la route, de séquence en séquence (et de discours en discours), le caractère des protagonistes est croqué et les enjeux sont mis en place le plus souvent à travers le dialogue ou de manière platement démonstrative. Le groupe se développe et, bientôt rejoint par Hassan (Jamel Debbouze), doit lui-même faire preuve de tolérance. Au fil de l’évolution du récit, la dynamique évolue permettant notamment à l’un des protagonistes qui s’est mis à écrire ses aventures à intervenir en voix-over ou aux discours d’être vecteurs d’onirisme. En parallèle au déroulement de « La Marche », quelques séquences dessinent de manière assez gauche, sans finesse ni réalisme, l’implication policière au sein de celle-ci. La seule réelle constante de l’approche s’avère être la superficialité générale qui génère cependant une fluidité certaine et permet d’aborder de nombreux enjeux (notamment l’homosexualité et la mixité) sans toutefois ne jamais permettre les développer.

Au caractère démonstratif et apparent de l’écriture, répond une mise en scène évolutive proprement formelle dont le maître mot semble être l’efficacité. Le réalisateur jouent avec de bien des effets sans tendre à la moindre cohérence si ce n’est l’efficience. Construisant le film séquence après séquence, il crée diverses dynamiques tantôt avec le découpage, les mouvements de caméra ou les changements de focales, et semble s’amuser avec des travellings ou des surimpressions. Afin d’exacerber le ressentis des protagonistes, il recourt au principe de la voix-over ou fond par exemple le regard du spectateur à celui de Claire par l’intermédiaire de la captation de ses photos. Presque sans étonnement, il assoit le caractère démonstratif général à travers un enrobage musical.

Avec LES BARONS, Nabil Ben Yadir créait un langage original tant d’un point de vue scénaristique qu’esthétique. Derrière l’apparente légèreté de son approche et une tonalité pleine d’humour, il parvenait à mettre singulièrement en scène un sujet complexe. Sur LA MARCHE, la superficialité de son approche déçoit dès lors amèrement et ce d’autant plus qu’elle ne lui permet pas de développer en profondeur des protagonistes pourtant portés à l’écran par un casting de choix. Cependant il parvient à rendre aux enjeux abordés une résonance actuelle : ce qui confère au film une force indéniable.

* »Douce France », Charles Trenet, 1943 (musique composée avec Léo Chauliac et enregistrée en 1947)

La marche : Affiches et bande-annonce

LA MARCHE

Réalisation : Nabil Ben Yadir
France / Belgique – 2013 – 125 min
Distribution : Belga
Comédie dramatique – Film historique

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